Laurensart, îlot brabançon en chemin vers la conservation
Les zones de bordure sont souvent favorables à la vie sauvage. Encore un exemple, dans la vallée de la Dyle. On est ici à environ trois kilomètres du centre de Wavre, dans le Bois de Laurensart logé tout contre la frontière linguistique. Au Nord du bois, le village de Tomme est à un jet de pierre de Sint-Agatha-Rode dans la commune flamande de Huldenberg. Un lieu en équilibre instable entre protection et exploitation.
En 2003, la Wallonie y achète l’ensemble du bois ainsi que les prairies humides attenantes le long de la rivière, le tout pour une surface d’environ 45 hectares. Étant donné que l’essentiel de la surface, les deux tiers environ, est boisé et comme l’ensemble possède une valeur écologique importante, c’est le Cantonnement de Nivelles du Département Nature et Forêts qui en est devenu le gestionnaire depuis lors. Dès le départ, la volonté a été de créer une réserve naturelle domaniale mais le manque de ressource humaine et un questionnement sur le statut le plus adapté en ont retardé l’aboutissement. Entre-temps, la mise en œuvre du réseau Natura 2000 est arrivée ; l’ensemble du bois et les prairies ont été, sans surprise, reconnus à cette occasion en zones de grand intérêt biologique.
Un projet de réserve naturelle en phase d’atterrissage
Désormais, le projet de réserve naturelle devrait aboutir sur une surface de 25 hectares reprenant les prairies humides en bord de Dyle et le versant boisé. Une réserve « dirigée » dans la mesure où la zone agricole doit en partie être gérée pour tendre vers une prairie maigre de fauche. A l’avenir, la zone boisée de la réserve connaîtra quant à elle deux types d’intervention : des opérations de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, notamment contre le cerisier tardif dont la domination présente un risque important pour toute la flore du sous-bois et des milieux naturels environnants. En outre, la présence d’un chemin largement fréquenté imposera la poursuite de coupes régulières de sécurité.
Aujourd’hui, une visite au Bois de Laurensart, notamment en partie basse, offre un paysage naturel bien diversifié en arbres morts et en arbres-habitats. Des qualités qui se sont développées à la faveur d’une période de transition où les interventions étaient réduites. Fin 2024, des coupes de sécurité sont malgré tout planifiées le long du chemin, la faute notamment à la chalarose qui a décimé de nombreux frênes. Des arbres menaçants seront couchés, certains arbres déjà couchés devront être mis sur le côté pour permettre le passage des machines et on annonce malgré tout l’exportation des beaux sujets ; uniquement les billes, les houppiers étant laissés sur place. Le reste du site sera quant à lui géré comme une propriété forestière classique avec des coupes et des éclaircies dans le respect du Code forestier préservant un minimum d’arbres morts et d’arbres-habitats et en tenant compte du statut Natura 2000 qui couvre l’ensemble du bois.
Un équilibre difficile à trouver
Les attentes sociales sont très fortes aux abords de cet îlot forestier public. Chaque coupe d’arbre fait d’ailleurs l’objet de nombreuses interpellations des riverains dans cette région dominée par les cultures intensives et une urbanisation toujours plus gourmande. L’hiver est la période des abattages, même si l’humidité permanente depuis plus d’un an et l’absence de gel prolongé compliquent énormément les conditions d’exploitation. En prévention, un affichage est posé le long du chemin prévenant de la coupe imminente, annonçant la fermeture du chemin pendant la coupe (seul accès possible pour les machines) et invitant à la prudence par temps venteux d’ici là. Les réactions à venir dépendront de l’intensité d’intervention et du soin apporté à l’exploitation. Il est illusoire de vouloir supprimer ici tout risque de chute et les promeneurs viennent aussi pour observer un paysage forestier sauvage et naturel.
Arrivé à l’orée du Bois de Laurensart, on sent poindre les tensions entre conservation et production, entre prévention et contemplation, entre gérer et laisser faire. Espérons qu’à l’avenir ces questions continuent à mûrir localement. On pourrait imaginer ne plus sortir de bois lors des coupes de sécurité, ce qui réduirait l’ampleur des chantiers ainsi que les dégâts au chemin et aux arbres de bordure tout en conservant un volume de bois mort important. Est-ce que les 20 hectares encore en exploitation doivent le rester ou pourraient-ils basculer eux aussi en protection intégrale ? Cette option plus ambitieuse permettrait de protéger un ensemble cohérent et de créer un véritable noyau propice à la biodiversité forestière, y compris à l’écart des sentiers.