Un nouveau règlement pour restaurer la biodiversité

Ce 17 juin 2024, contre toute attente, après un parcours compliqué* et dans un contexte de marginalisation sans précédent des enjeux environnementaux, le Conseil de l’Union européenne a adopté définitivement le « Règlement relatif à la restauration de la nature »**. Pour l’occasion, on parle même de la situation alarmante des salamandres sur le site internet du Conseil européen***. Ce n’est pas commun. L’état de la biodiversité, tellement critique aujourd’hui, serait-il enfin devenu un sujet sérieux, digne d’intérêt ?

Suite à cette décision, chaque état membre a désormais deux ans pour définir son « plan de restauration national ». Les objectifs sont par contre contraignants et déjà définis. D’ici 2030, restaurer 30 % des habitats naturels en mauvais état de conservation, 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050.

La grande nouveauté est que ces objectifs contraignants sont valables dans et hors site Natura 2000. Pour prendre un exemple, on estime que les forêts alluviales (prenons plus précisément l’habitat Eunis 91E0, repris à l’annexe I de ce nouveau règlement) couvrent en Wallonie une surface d’environ 5.150 hectares (données rapportage Article 17 Natura 2000 pour la période 2007-2012****), un habitat naturel encore considéré dans un état de conservation défavorable médiocre (U2) dans la dernière évaluation en 2019. Donc, en application du règlement d’ici 2030, on aura l’obligation pour cet habitat naturel de restaurer le bon état écologique de minimum 1.545 hectares de forêt rivulaire (dans ou hors Natura 2000) notamment en y préservant davantage le bois mort et en revenant vers des essences indigènes diversifiées (saules, aulne, tremble). Mais il faudra également agir plus globalement car l’état actuel défavorable des forêts alluviales est aussi la conséquence d’une surface d’habitat bien en-deçà du potentiel écologique. Il faudra donc largement recréer de la forêt rivulaire indigène pour doubler voire tripler sa surface … et restaurer sa fonctionnalité écologique. Il y a donc du travail et ceci n’est qu’un exemple pour un seul habitat forestier alors que notre région compte 41 habitats d’intérêt communautaire dont 95% sont en mauvais état de conservation…

Ce nouveau règlement est donc un cap stratégique unique pour relancer la politique de protection de la nature notamment en Wallonie, la dernière impulsion européenne en la matière remontant à 1992 avec l’adoption de la Directive « Habitats ».

Pour la forêt (article 12 du règlement), le règlement demande de faire croître l’indice des oiseaux forestiers communs et d’agir concrètement pour augmenter les indicateurs suivants : bois mort sur pied, bois mort au sol, part des forêts inéquiennes, connectivités des forêts, stock de carbone organique, part des forêts dominées par les essences indigènes et diversité des essences.

Enfin, sur le plan des mesures concrètes de restauration, le règlement liste des mesures exemplatives (annexe VII du Règlement) parmi lesquelles on retrouve notamment :

(10) Renforcer les éléments écologiques des forêts, tels que les grands arbres, les vieux arbres et les arbres mourants (arbres-habitats) et les quantités de bois mort au sol et sur pied.

(23) Permettre aux écosystèmes de développer leur propre dynamique naturelle, par exemple en abandonnant l’exploitation et en promouvant la naturalité et la pleine nature.

A l’heure d’écrire ces quelques lignes, on discute âprement pour constituer des gouvernements aux différents échelons du pays. Nul doute que ce nouveau Règlement arrivera dans les conservations en espérant qu’il ne soit pas simplement un « cheveu dans la soupe ». Ce texte impose des actions urgentes et indispensables. Une application cohérente et rapide de ce Règlement en Wallonie favorisera nécessairement les qualités écologiques de la forêt en augmentant de manière substantielle le bois mort et les arbres d’intérêt biologique au profit des multiples communautés vivantes associées. Une restauration a peu de frais où il s’agit avant tout de laisser faire la nature. Voilà qui est bon à prendre.

 

Légende de la photographie (Aulnaie rivulaire, Vallée du Burnot, avril 2021) : 

Assurer la restauration des forêts alluviales nécessitera de laisser vieillir la forêt, d’y préserver le bois mort et d’augmenter la surface de cet habitat en laissant agir la colonisation naturelle le long des cours d’eau ou par des plantations d’espèces forestières indigènes des zones humides comme Alnus glutinosa, Populus tremula ou encore Salix alba.

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*  Un parcours chaotique jusqu’au bout : https://www.lecho.be/economie-politique/europe/economie/la-loi-europeenne-sur-la-restauration-de-la-nature-est-adoptee/10551642.html

** Présentation de la démarche sur le site du Conseil européen : https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/nature-restoration

*** Le texte définitif du Règlement européen relatif à la restauration de la nature est accessible en français à l’adresse : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-74-2023-INIT/fr/pdf 

**** Les synthèses des rapportages Natura 2000 successifs pour la Wallonie sont disponibles ici : http://biodiversite.wallonie.be/fr/rapportage.html?IDC=5803. Par ailleurs, l’arrêté du Gouvernement wallon sur les objectifs de conservation du 01/12/2016  nous informe que, en Wallonie, on retrouve 2.500 hectares de l’habitat forêt rivulaire (91E0) en site Natura 2000. Le solde de la surface de cet habitat prioritaire, soit 2.650 hectares se trouve hors Natura 2000 et n’est donc, jusqu’ici, pas du tout protégé.