A la naissance du projet Chronoxyle

Pour certaines personnes, courir les forêts à la recherche des arbres morts et de leurs voisins tordus ou percés de cavités s’apparente à une chimère quelque peu excentrique. Voici un petit mot sur l’origine de ce projet, la manière dont il a germé dans ma tête.

Si j’ai choisi cette image d’un arbre moussu, couvert de champignons et étêté pour illustrer cet article, il y a une raison. Avec le recul, je me dis qu’elle est pourtant imparfaite et un peu floue. Mais cette photo a bien une signification dans ce projet Chronoxyle. Elle remonte à 2014, le 30 août plus précisément. Ce matin-là, on est parti tôt d’Eupen, 7h du matin si je me souviens bien. C’est l’Oxfam Trailwalker, on a donc 100 km à franchir devant nous. La météo est assez mitigée et une bruine continue entame déjà le moral des équipes. J’ai embarqué un petit appareil (Canon Power shot), impossible pour moi de marcher tout ce temps sans prendre la moindre photo. Après un peu plus d’une heure de marche, on arrive dans une belle vallée feuillue où l’on doit surtout regarder ses pieds pour éviter de glisser sur une pierre humide ou une racine. Je regarde autour de moi malgré tout dans l’espoir improbable de garder les lieux en tête, de mémoriser chaque détail de l’itinéraire pour revenir. Car il faudra revenir, l’endroit est bien trop beau et tellement plus majestueux que les forêts que j’ai l’habitude de parcourir. Je prends la photo de ce hêtre embué dans cette matinée humide pour me souvenir et revenir. Je rattrape aussitôt mes coéquipiers et on poursuit la marche. Longtemps cette ambiance magique m’a accompagné ce jour-là et le suivant.

Je ne suis jamais retourné à cet endroit précis mais, depuis lors, d’autres scènes comme celle-ci m’ont touché. De fil en aiguille, j’ai eu à cœur de partir à la rencontre des vétérans de nos forêts. Pour remarquer qu’ils étaient particulièrement peu nombreux, surtout lorsque l’on cherche des arbres de grosses dimensions, encore debout. Ce sont eux qui accueillent les espèces les plus exigeantes et eux aussi qui resteront le plus longtemps dans le paysage forestier. Autant de raisons pour en préserver davantage.

En regardant cette image, je prends pleinement conscience, encore aujourd’hui, de toute l’énergie que peut procurer la nature à l’observateur attentif. Le projet Chronoxyle est là pour ça : partager la beauté de la forêt naturelle riche en bois mort et en arbres d’intérêt biologique. Pour aider à mieux la respecter.